Événementiel et communication : comment faire les bons choix pour maîtriser son impact environnemental ?
Malmené depuis le début de la crise sanitaire en 2020, le secteur de l’événementiel ne cesse de se réinventer pour proposer des événements attractifs et de qualité. Mais cette course à l’innovation et à la nouveauté peut avoir des effets délétères sur l’environnement.
Même problématique du côté de la communication : les objets promotionnels, ou goodies, ont le vent en poupe. Est-il possible aujourd’hui d’orienter ses choix pour préserver l’environnement ?
Séverine Bourasset, dirigeante de Lagom, est consultante en développement durable en Rhône Alpes. Elle vient en appui aux organisateurs du secteur de l’événementiel pour les guider, leur proposer des pistes afin d’intégrer une dimension écoresponsable à leurs événements. Elle accompagne aussi les commerçants et les entreprises locales en leur donnant les clés pour s’inscrire dans une démarche plus durable.
Elle nous apporte aujourd’hui des outils concrets pour organiser des événements à moindre impact, et des conseils pour une communication moins polluante.
Bonjour Séverine, et merci de répondre à nos questions aujourd’hui. Dans un premier temps, peux-tu te présenter et nous expliquer ce qu’est Lagom ?
Je suis Séverine Bourasset, consultante en développement durable pour les organisateurs d’événements et les petites entreprises. J’ai fondé Lagom en 2018, après 5 ans d’engagement bénévole auprès de l’association qui organise l’Echappée Belle, un trail majeur dans les Alpes. Durant cette période, j’avais de plus en plus de demandes de conseils pour devenir plus écoresponsables, il y avait un vrai besoin d’expertise dans ce domaine. C’est pour moi une vraie passion de pouvoir transmettre mes connaissances en la matière. Promouvoir ces idées est donc devenue une évidence.
On le sait, le sujet du développement durable est vaste, il fait l’objet de questionnements dans de nombreux secteurs d’activité. Quel est ton périmètre d’intervention ?
Je travaille en collaboration avec les organisateurs d’événements outdoor (sportif, culturel, …) mais aussi en lien avec les petites entreprises qui souhaitent s’engager dans une démarche écoresponsable.
Il y a un réel besoin d’accompagnement qui se fait sentir de la part des entreprises, et parfois, la marche paraît haute pour allier performance et protection de l’environnement. Comment aides-tu tes clients à s’inscrire dans une démarche responsable ?
D’abord, on réalise ensemble un diagnostic pour faire les choix qui correspondent à l'entreprise en fonction de ses valeurs, et surtout de ses besoins, de son contexte et de ses contraintes. En, fonction de tout cela, je leur propose des solutions pour améliorer certaines pratiques.
Par exemple sur un événement, on aborde souvent la question du tri des déchets. Il est intéressant d'aborder les leviers qui vont permettre de réduire leur quantité. L'idée est alors de se tourner vers des produits différents, plus qualitatifs et locaux, tout en respectant le budget fixé.
J’interviens également sur des sujets épineux, comme celui du transport. Pour tout événement, c’est l’acheminement des participants sur le site qui génère le plus de gaz à effets de serre. C’est donc un sujet important et les solutions peuvent être complexes à mettre en place. Les organisateurs ont un réel besoin d’expertise sur ces problématiques. La démarche est globale et profonde. Elle résulte d’une réflexion poussée en amont, et les décisions prises ont des conséquences sur l’ensemble de l’événement. On trouve des solutions comme la mise en place de navettes, mais pas seulement. On prend en compte l'accessibilité des sites, ce qui peut avoir une incidence sur le tracé d'une course, etc.
Et puis, il faut trouver des solutions pour mobiliser les bénévoles, les impliquer pleinement dans la démarche. Pour chaque événement, ce sont des dizaines, voire des centaines de bénévoles qui donnent de leur temps, alors comment les embarquer dans ces changements ? Il est important de bien expliquer la démarche pour qu’ils y adhèrent.
Cela passe par une communication transparente auprès de tous, en interne, mais aussi en externe (participants, accompagnants) sur l’aspect écoresponsable de l’événement.
La communication justement, c’est un poste qui est plutôt gourmand, en ressources et en budget. Quels conseils donnes-tu aux entreprises et aux organisateurs qui font appel à ton savoir-faire ?
En premier lieu, je leur demande quels sont leurs outils de communication. On fait le point ensemble, on identifie des outils trop impactants comme certains goodies, typiquement la gourde en métal, très à la mode en ce moment, et on trouve des alternatives.
On a pourtant l’impression que la gourde en métal est LE support écoresponsable pour porter sa communication. En quoi est-elle un “faux ami” ?
Si l’on prend l’exemple de la gourde, il faut se demander ce qu’elle a vocation à remplacer. Les gobelets réutilisables ? Les gobelets jetables ? On se rend compte que souvent, elle sert plutôt à véhiculer une image “ tendance” de l’événement. La question à se poser est “Est-ce que j’ai besoin de donner une nouvelle gourde à quelqu’un qui en a déjà probablement deux ou trois dans ses placards ?”. C’est un cadeau qui s’offre assez facilement, mais qui reste un objet fabriqué en Chine (comme toutes les gourdes isothermes). Donc, est-ce que le participant à encore besoin de cet objet ? Ou est-ce qu’il va être “blasé” d’en recevoir encore une ? Une gourde en métal devra être utilisée tous les jours pendant 3 ans pour que son impact environnemental soit amorti (les données sont à retrouver dans la chronique environnement de Camille Crosnier sur France Inter), contre deux mois pour la moins populaire gourde en verre, et cinq mois pour la décriée gourde en plastique.
Idem pour les tote-bags, qui doivent être utilisés 7 000 à 20 000 fois pour un meilleur impact. Le problème avec le tote-bag est qu’il est fait la plupart du temps en coton. Cela mène à l’intensification de la production et donc une nouvelle pression sur les agriculteurs, qui utiliseront plus d’engrais et de pesticides. Ajouté à cela, on sait que la culture du coton est très gourmande en eau, et qu’il est produit à l’étranger. En revanche, on voit naître de belles initiatives locales, comme dans la vallée du Grésivaudan (au nord de Grenoble), où s’est installé un fabriquant de tote-bags en fibre de plastique recyclé, ou le développement de la filière de la culture du chanvre en France, mais ce sont des pratiques qui restent aujourd'hui à la marge.
Il existe énormément d’exemples de faux amis en termes de goodies… Le crayon en bois (certes), mais fabriqué à l’autre bout du monde et sous blister individuel en plastique, la clé USB, elle aussi en bois (d’où provient-il d’ailleurs ?), qui, elle aussi, est fabriquée à l’étranger et qui contient des composants électroniques, très souvent produits en Asie, et acheminée par cargos. Et franchement, quand est-ce que tu as utilisé une clé USB pour la dernière fois ?
Le premier pas pour repenser ses supports de communication, c’est de se poser les bonnes questions : est-ce que l’objet que j’offre fera plaisir à celui qui le reçoit ? Est-ce qu’il a du sens ? Est-ce que son impact environnemental est égal à l’impact qu’il aura dans ma stratégie de communication ?
Au vu de tous ces éléments, quelles peuvent être les alternatives ?
En premier lieu, c’est de réfléchir, de peser le pour et le contre. Il faut que l’objet ait un maximum de sens pour ta cible, et qu’elle en ait l’utilité. Si tu organises un événement avec des valeurs écoresponsables et que tu donnes une gourde en métal, les données scientifiques démontrent qu’il y a une nette contradiction. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a énormément d’idées qui émergent du terrain. Je rencontre par exemple des responsables d’animation de stations de ski qui ne souhaitent plus donner des gobelets jetables aux pots d’accueil et qui proposent aux participants de venir avec leur tasse ou leur gobelet. Aussi, on voit de plus en plus de structures qui remplacent les objets promotionnels importés par des productions artisanales locales. En plus de valoriser les savoir-faire du territoire, elles s’inscrivent dans une vraie démarche de développement durable, porteuse de sens.
Est-ce qu’on sent que ces initiatives ont un effet sur le public ? Comment sont-elles perçues ?
Ça a un impact de sensibilisation. On leur demande de faire un pas de côté, de changer un peu leurs habitudes. Par exemple, quand une station de ski propose aux vacanciers de venir avec leur tasse ou leur gobelet, ils ont le choix de le faire ou non, mais une alternative est proposée et cela suscite la discussion.
L’expérience utilisateur prend un sens différent. Lorsqu’on expérimente un changement, on soulève parfois des évidences et on prouve que le changement peut être accompagné en douceur, du moment qu’il est expliqué. À l’heure des alertes sur le réchauffement climatique, l’idée est de montrer à chacun qu’il peut participer aux avancées. Cela peut aussi procurer un sentiment de satisfaction au public, qui se sent acteur.
À la montagne, qui est un territoire que je connais bien, on sait que les touristes viennent chercher les grands espaces, les alpages, les sommets enneigés. Les accompagner à faire un geste pour protéger cette nature va de soi. Et ils sont généralement très partants, du moment qu’il y ait un peu de dialogue, de pédagogie.
Ne serait-ce pas ça la meilleure communication ?
En cette période de vacances d’hiver, quels conseils pourrais-tu nous donner pour orienter notre choix vers une station/destination qui s’engage en faveur du développement durable ?
Pour les stations de ski, il existe le label Flocon Vert, délivré par l’association de protection de l’environnement Mountain Riders. C’est un label dont les critères sont stricts sur de nombreux d’aspects de fonctionnement et de bâti en montagne (constructions, enneigement artificiel, chauffage…)
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les remontées mécaniques ne représentent qu’1% des émissions des gaz à effets de serre d’une station. L’impact le plus lourd revient au transport jusqu’à la destination, qui se fait souvent en voiture. Il n’est pas question de faire une croix sur ton séjour au ski, mais quitte à choisir, opte plutôt pour le train :).
On voit bien que ces sujets sont au cœur de l’actualité. Que ce soit dans le domaine de la communication, de l’événementiel ou du développement d’entreprise, le développement durable et la protection de l’environnement sont une vraie source de questionnement. En ta qualité d’experte, quels sont tes projets du moment ?
Je travaille sur la démarche développement durable de la dixième édition de l’Échappée Belle, sur l’évaluation du coût carbone de l’événement et sur les solutions à apporter pour le compenser. Aujourd’hui, 40% des émissions de CO2 de l’événement concernent l’acheminement des coureurs, qui pour beaucoup viennent de l’étranger en avion. Pour compenser ce bilan, on prépare la plantation d’arbres sur une première parcelle en Belledonne (massif montagneux entre l’Isère et la Savoie). On va mettre en vente les t-shirts techniques qui n’ont pas été distribués les années précédentes. Le fruit des ventes de ces t-shirts sera reversé à une association caritative. On organise aussi une collecte de baskets usagées pour les recycler en revêtement de sol.
En parallèle, je travaille avec les commerçants et les petites entreprises locales pour leur apporter de manière collective des solutions qui leur permettront de réduire leur empreinte environnementale.
J’anime aussi deux formations dans les mois à venir. La première destinée aux responsables d’Offices de Tourisme des Alpes du Nord et leurs collaborateurs, pour qu’ils prennent conscience de l’impact de leurs gestes du quotidien sur leur lieu de travail, et qu’ils essaient de le réduire. La seconde s’adresse aux responsables de l’événementiel et des animations en stations de ski, pour leur donner des clés sur les différents aspects de l’organisation d’un événement durable.
Le programme est chargé !
Merci Séverine pour le temps que tu nous as consacré ! On prend bien la mesure du chemin qu’il reste à parcourir pour tendre vers des événements et une communication plus durables, et moins impactants. Et s'il n’y avait qu’un élément à retenir de cet échange très enrichissant, ce serait de se poser la question de la pertinence de nos choix, par rapport à nos objectifs, et par rapport aux conséquences qu’ils peuvent avoir sur l’environnement.
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